mardi 24 octobre 2017

Inventaire 48 - La Marca de Anubis


THE GUN CLUB The Breaking Hands

THE GUN CLUB
Mother Juno

Label : Danceteria
Année : 1987
A1 Bill Bailey
A2 Thunderhead
A3 Lupita Screams
A4 Yellow Eyes
B1 The Breaking Hands
B2 Araby
B3 Hearts
B4 My Cousin Kim
B5 Port Of Souls

Genre : Dream Rock
8° morceau de L'Inventaire 48 : The Breaking Hands

Difficile d'imaginer ce qui a pu rapprocher le junkie obsédé par le blues et la rédemption Jeffrey Lee Pierce et le sculpteur d'atmosphère oniriques Robin Guthrie. Toujours est-il qu'un jour l'âme damnée du Gun Club a enregistré un album produit par le guitariste et compositeur des Cocteau Twins. Et le résultat ressemble a un album du Gun Club au son étrange, arrondi et éthéré, une incongruité dans une discographie de toute façon aussi bordélique qu'inégale.
Jeffrey Lee Pierce a beau être devenu un mythe souterrain (une sorte de Kurt Cobain confidentiel...), ses coups de génie côtoient les morceaux non aboutis, poussifs ou superflus, souvent sauvés il est vrai par son chant plaintif qui semble émerger du plus profond d'une âme aussi angélique que torturée. Les puristes préférent évidemment la première période et notamment l'indispensable premier album Fire Of Love
Mais il y a ce miracle en début de face 2, The Breaking Hands. L'alliage impossible prend forme : Jeffrey Lee Pierce et Robin Guthrie accouchent d'un morceau qui ressemble à du Cocteau Club ou du Gun Twins, aidé par les notes slidées d'un Kid Congo plus inspiré que jamais. Le reste de l'album, s'il n'a pas le son sauvage qui convient au groupe, tient plutôt bien la route au niveau des compositions, avec une guest star de luxe, Blixa Bargeld, qualifié ici d'"inexplicable guitariste".
Finalement, Mother Juno n'est peut-être pas un album si incongru que ça. JL Pierce n'a-t-il pas déclaré à son propos : "Nous envisagions un album qui sonnerait comme les vagues de l'océan"... Sur The Breaking Hands au moins, mission accomplie. 

THE FEDERATORS STEEL BAND Grenadine Jump-Up

BOMBA!
Music of the Caribbean

Label : Monitor
Année : 196?
A1 Pleneros Ponceño : Santa Maria A2 The Federators Steel Band : Grenadine Jump-Up    
A3 Colon Sisters And Paquito Lopez Cruz Ensemble : Cañon    
A4 The Federators Steel Band : Badjan Mambo    
A5 Trio Armonia : Porque Te Quiero, Quiereme
A6 Vaccines Petionville : Ra Ra No. 2    
A7 Colon Sisters And Paquito Lopez Cruz Ensemble : Las Gallaretas    
B1 Ensemble From Loiza Aldea : Bomba    
B2 Colon Sisters And Paquito Lopez Cruz Ensemble : Siña Maria, La Colora    
B3 Trio Armonia : Franjas De Agua    
B4 Trio Chanteclair : Choucoune    
B5 The Federators Steel Band : Beef Island Merengue    
B6 Colon Sisters And Paquito Lopez Cruz Ensemble : Trigeña Hermosa    
B7 Trio Armonia : Vano Empeno

Genre : Calypso y carribean groove
7° morceau de L'Inventaire 48 : Grenadine Jump-Up

Encore un album ramassé à la pochette. Comment résister à cette photo dont l'exotisme est scrupuleusement reconstitué en studio ? Deux modèles gentiment métissés, trois bongos, une plante, un peu de sable, une lune plus ou moins artificielle et un peu de fumée... 
Le contenu s'avère en revanche nettement plus authentique : une compilation d'artistes venus de Trinidad, Puerto Rico, Haïti, etc, enregistrés sans fioritures en valorisant l'acoustique des instruments et l'authenticité des chansons saisies dans leur forme la plus brute. 
Basé à New York, le label Monitor s'est spécialisé dans l'édition de musiques populaires et folkloriques venues du monde entier. De réputation, il se distingue par la qualité de ses enregistrements mais aussi par la densité de ses notes, au dos des pochettes, qui replacent les musiques dans leur contexte géographique et historique et apportent de précieuses informations sur les instruments utilisés, les spécificités des morceaux et le type de formation qui les jouent. Enfin, le rédacteur détaille en quelques lignes le contenu de chaque plage. 
Ici c'est Carter Harman qui s'y colle, un ancien militaire devenu compositeur et critique musical qui a vécu à Porto-Rico et semble connaître le répertoire local sur le bout des doigts. 
Plus encore que les chansons, les instrumentaux qui occupent un bon tiers de l'album gardent encore aujourd'hui une beauté acoustique et une force de dépaysement qui rendent l'album très précieux.

ROSE ROYCE That's What's Wrong With Me

ROSE ROYCE
Strikes Again

Label : Whitfield Records/Warner Bros
Année : 1978
A1 Get Up Off Your Fat
A2 Do It, Do It
A3 I'm In Love (And I Love The Feeling)
A4 First Come, First Serve
A5 Love Don't Live Here Anymore
B1 Angel In The Sky
B2 Help
B3 Let Me Be The First To Know
B4 That's What's Wrong With Me

Genre : Sure It's Funky !  
6° morceau de L'Inventaire 48 : That's What's Wrong With Me

Leur fait de gloire reste la B.O. de Car Wash, compilation de pépites disco funk, plus célèbre que le film lui-même. Rose Royce est un groupe de Los Angeles qui commence par accompagner le chanteur Edwin Starr puis émerge sous son propre nom en 1976, à ce moment charnière où le funk double les temps forts et accueille avec plus ou moins de bonheur synthés et violons pour achever sa mutation vers la musique qui fera danser Travolta et relancera la carrière des Bee Gees
Mais Rose Royce est surtout le troisième missile du producteur Norman Whitfield, l'homme qui a fait passer les Temptations de la soul au funk psychédélique, avant de se rabattre sur les plus malléables Undisputed Truth. A la fin des années 70, Whitfield s'émancipe du patron de Motown, Berry Gordy, et prend en main le nonette qu'il  ne lâchera plus jusqu'à leur septième album en 1982, audacieusement nommé Stronger Than Ever...
Il vaut mieux se concentrer sur les premiers 33t cependant qui, malgré quelques fautes de goût et une production un brin chargée, provoquent encore quelques irrésistibles montées de groove. On n'est pas loin des Kool & The Gang et Earth, Wind & Fire premières périodes, avec ici le chant énergique de Lisa Taylor, dont l'album solo sorti en 2013 n'a pas traversé l'Atlantique.

 



THE STRAWBERRY ALARM CLOCK Barefoot in Baltimore

THE STRAWBERRY ALARM CLOCK
Best Of

Label : Back-Trac Records
Année : 1985
A1 Incense & Peppermints
A2 Strawberrys Mean Love
A3 Rainy Day Mushroom Pillow
A4 Birds In My Tree
A5 Tommorrow
B1 Barefoot In Baltimore
B2 Sit With The Guru    
B3 Sea Shell
B4 Lose To Live
B5 Pretty Song From Psych-Out

Genre : Good Trip
5° morceau de L'Inventaire 48 : Barefoot in Baltimore

Oui, le groupe s'appelle "Réveil fraise" et la liste des morceaux de ce best-of ne laisse aucun doute sur la bande de gentils hippies défoncés à qui nous avons affaire. 
"Encens et menthe poivrée", "L'oreiller champignon des jours pluvieux", "Assis avec le gourou" ou encore"Pieds-nus à Baltimore" qui enfume tranquillement notre mix 48. 
On est plutôt dans un psychédélisme doux, parfois même mollasson, jamais très loin de la pop bubble-gum, mais quand-même suffisamment inspiré et varié pour ne pas sombrer dans la niaiserie totale. Malheureusement, les Strawberries se laissent mener par le bout du nez par leurs producteurs qui les spolient gentiment sur les droits d'auteurs et leur imposent des paroliers qui accumulent les clichés du psychédélisme ambiant sans la moindre idée de ce qu'ils racontent. 
Malgré le voisinage des Virgin Prunes, des Seeds et autres fous furieux du Los Angeles sous acide de la fin des années 60, le sextet pond quatre albums relativement anecdotiques, dont ce bien nommé "best of" récupère l'essentiel. Incense & Peppermints figurera quand-même sur la réédition en coffret 4CD de la mythique compilation Nuggets, ce qui reste un gage de qualité. 
A écouter dans la position du lotus, lors d'un lever de soleil printanier plein de promesses...
 

LIL' KIM Can You Hear Me Now?

LIL' KIM
La Bella Mafia

Label : Atlantic
Année : 2003
A1 Intro
A2 Hold It Now
A3 Doing It Way Big
A4 Can't F**k With Queen Bee
B1 Hollyhood Skit    
B2 Shake Ya Bum Bum
B3 This Is Who I Am
B4 The Jump Off
B5 This Is A Warning
C1 (When Kim Say) Can You Hear Me Now?
C2 Thug Luv
C3 Magic Stick
C4 Get In Touch With Us
D1 Heavenly Father
D2 Tha Beehive
D3 Came Back For You

4° morceau de L'Inventaire 48 : (When Kim Say) Can You Hear Me Now?

Le cas de Lil' Kim est un peu ambigü. En 1996, lorsqu'elle sort son premier solo, Hard Core, elle incarne la rappeuse indépendante qui a réussi dans l'univers très phallocrate du hip-hop américain tout en affichant une féminité fortement sexuée. Mais elle trimballe aussi tous les clichés du genre : ego surdimensionné, image éculée de "bad ass" biberonnée au Scarface de De Palma, guéguerre ridicule avec ses rivales, culte de l'argent et de tout ce qui brille, etc.
Si la biographie de Kimberly Denise Jones lui amène une certaine légitimité de gangsta (elle vient vraiment de la rue où elle a trempé dans les trafics en tous genres après une enfance violente), sa discographie reflète ces deux aspects : les raps les plus inspirés et authentiques côtoient les tentations r'n'b insipides, les arrangements lourdingues et toute la panoplie des tics qu'on retrouve dans les progs hip hop de MTV. 
Sur cet album, elle échappe à l'influence de son mentor Notorious B.I.G. (présent seulement sur la minute vingt-cinq qui introduit l'album) et multiplie les collaborations avec des gens aussi divers que 50 cent, Timbaland, R. Kelly, Missy Elliott, le MC virtuose méconnu en France Twista ou encore l'incontournable Kanye West
Le résultat est aussi éclectique que le casting, mais rendu homogène par le flot impeccable et le chant étonnamment émouvant (This Is A Warning, perle de R'n'B' vengeur) de la petite Kim. Autre point fort de l'album, l'injection de percussions et de mélodies orientalisantes bienvenues dans son univers, comme dans ce Can you Hear Me Now? (choisi pour le mix numéro 48), dont on peut se demander pourquoi il n'est jamais sorti en single.
Aujourd'hui, dépigmentée et refaite, Lil'Kim ressemble à une poupée Barbie qu'on aurait oublié au four, mais ses disques, eux, vieillissent plutôt bien.

THE HOUSEMARTINS Me and the farmer

THE HOUSEMARTINS
Now that's what I call quite good

Label : Go! discs / Chrysalis
Année : 1988
A1 I Smell Winter
A2 Bow Down
A3 Think For A Minute
A4 There Is Always Something, There To Remind Me
A5 The Mighty Ship    
A6 Sheep    
B1 I'll Be Your Shelter
B2 Five Get Over Excited
B3 Everyday's The Same
B4 Build
B5 Step Outside
B6 Flag Day
C1 Happy Hour
C2 You've Got A Friend
C3 He Ain't Heavy, He's My Brother
C4 Freedom
C5 The People Who Grinned Themselves To Death
C6 Caravan Of Love
D1 The Light Is Always Green
D2 We're Not Deep
D3 Me And The Framer
D4 Lean On Me
D5 Drop Down Dead
D6 Hopelessly Devoted To Them

Genre : Brit'pop lumineuse
3° morceau de L'Inventaire 48 : Me and the farmer

C'était une espèce de groupe parfait, avec des morceaux légers et dansant et de belles ballades mélancoliques, portés par une rythmique impeccable et la voix caractéristique et haut-perchée de Paul Heaton, certainement formé aux chorales anglaises. Pas de fioriture, de solos ennuyeux, ni de synthés en carton malgré la tendance environnante. Par contre : piano, harmonica, parfois quelques cuivres pétaradants, des sonorités acoustiques et claires et presque jamais de distorsion...
En plein cœur des années 80, les Housemartins étaient peut-être bien la véritable alternative aux Smiths, avec qui ils partageaient la précision d'écriture, une singulière proposition vocale, et une forme d'ironie, probablement moins incisive mais tout aussi pertinente (écoutez Five Get Over Excited). Eux aussi anglais jusqu'au bout des ongles, ils célébraient le quotidien des classes moyennes, les amitiés et les souvenirs de jeunesse et les amours perdues avec un brin de nostalgie et d'humour. Et ils reprenaient du Carole King avant que ce ne soit tendance. 
L'aventure durera 6 ans : deux albums et une dizaine de singles dont plus de la moitié se classera dans le top 20 anglais. Et cette compilation indispensable, remplies de face B, d'inédits et de Peel sessions, tous aussi soignés que le reste de leur discographie. 
A la séparation du groupe, Paul Heaton est allé noyer sa douce voix dans le sirop pur sucre de The Beautiful South. Plus inspiré, le bassiste Norman Cook a fondé Beats International avant de connaître la gloire sous le nom de Fatboy Slim. Il aurait déclaré que les Housemartins se reformeront seulement quand les Smiths feront de même... 
Donc c'est pas pour tout de suite.



CLAUDE RIGHI Rendez-vous orbital

CLAUDE RIGHI
Elle/Machine/Rendez-vous orbital/Mini-jupe et monokini

Label : Riviera
Année : 1966
Genre : Véritable variété verdâtre
2° morceau de L'Inventaire 48 : Rendez-vous orbital

"Bien sûr que je t'aime à la vitesse du son
Pour toi mon IBM composera des chansons
"
Quand un morceau commence aussi fort, il est difficile de ne pas aller jusqu'au bout ! 
Claude Righi, apparemment très préoccupé par le monde moderne et le futurisme (voir Machine sur ce même EP, mais aussi l'un de ses premiers singles, le prophétique Voilà l'an deux mille) n'a pas laissé une trace impérissable dans la chanson française. On lui doit pourtant quelques adaptations de tubes rock, soul et rhythm'n'blues en français, notamment pour Ronnie Bird, aujourd'hui célébré par certains journalistes comme le seul chanteur crédible de la période yé-yé. 
Bon, après ça se gâte : Claude Righi devient producteur pour Barclay, il s'occupe de la très justement oubliée Nicole Rieu et sera plus tard dans les pattes des débutants Patrick Bruel et François Feldman. Il serait vaguement producteur du troisième album de Michel Jonasz, Du blues, du blues, du blues, mais est-ce que ça suffit vraiment à l'excuser ? 
Reste cette face B de EP avec donc ce jerk à visée cosmique, Rendez-vous orbital, et le non moins sidérant Mini-jupe et monokini qui démarre tout aussi fort : 
"Mini-jupe et monokini
Se baladent de Londres à Paris
Mini-jupe et monokini
C'est l'angoisse de tous les maris"

LOS INICIADOS La Marca de Anubis

TENSION
Spanish Experimental Underground 1980-1985 (compilation)

Label : Munster Records
Année : 2012
A1 Klamm :The Past Is Frozen    
A2 La Fundación : Repetición    
A3 New Buildings : Historias Para Largos Recorridos    
A4 Mar Otra Vez : He    
B1 Clónicos : Cha Cha Cha    
B2 La Caída De La Casa Usher : ¡Baila, Negro!    
B3 Claustrofobia : París Nostàlgic (Tango)    
B4 La Gran Curva : Tensiòn    
C1 T : Dot    
C2 Los Iniciados : La Marca De Anubis    
C3 Depósito Dental : Dodo (+ Introducción Dental)    
C4 Il Época Del Hombre : Me Bato Contra Dios    
D1 429 Engaños : Corazones    
D2 Xeerox : Viejo Decorado Elèctrico 4    
D3 Neo Zelanda : Paso Hambre    
D4 Teatro Negro De Praga : Distanciamiento    
D5 1985-s : No Hay Perros Calientes

Genre : Spanish Experimental Underground
1° morceau de L'Inventaire 48 : La Marca de Anubis

J'ai déjà raconté ici comment j'ai découvert par hasard le post punk et la new-wave espagnols. Un peu moins par hasard, mais toujours de façon inattendue, voilà-t-y pas que je tombe des années après sur cette compilation sortie sur le vénérable label Munster Records ! Un peu désarçonné au début par les sonorités vraiment très radicales du premier morceau, je réalise dès la seconde plage que, malgré le grand format de ce double LP, je dois passer du 33t au 45t pour écouter les morceaux tels qu'ils ont été enregistrés... 
A part ça, la compilation tient toute les promesses de sa pochette aussi séduisante que glaçante : on est bien dans les expérimentations bruitistes et synthétiques des années 80 avec parfois l'embryon d'une structure couplets/refrains, mais la plupart du temps  plutôt une volonté de réinventer ou violenter les codes de la pop. Bien sûr, l'entreprise s'avère parfois vaine, pour ne pas dire emmerdante (l'interminable reggae synthétique de Claustrofobia...), mais c'est le prix à payer pour découvrir un pan entier de la culture espagnole en pleine explosion. Le récit déclamé sur improvisations de sax de New Buildings, La cold wave schizophrène de La Caida De La Casa Usher, les bidouillages hypnotiques d'Il Epoca Del Hombre et une quatrième face vraiment barrée, mais finalement pas très éloignée des recherches de l'IRCAM... Un grand souffle de liberté, d'autant plus touchant qu'il nous vient de trente ans en arrière.
Après avoir choisi Los Iniciados et leur Marca de Anubis pour ouvrir ce mix, on découvre, en lisant les notes qui accompagnent la compilation, que le groupe est une émanation d'El Aviador Dro qui figurait dans notre Inventaire numéro 8. C'est ce qui s'appelle avoir de la suite dans les idées. Inutile de dire que les albums d'origine de ces deux groupes sont carrément introuvables !