vendredi 1 janvier 2016

Inventaire 38 - Misty


Inventaire n°38 - Misty par twinselecter

JONI MITCHELL The Jungle Line

JONI MITCHELL
The Hissing Of Summer Lawns

Label : Asylum Records
Année : 1975
A1 In France They Kiss On Main Street
A2 The Jungle Line    
A4 Don't Interrupt The Sorrow
A5 Shades Of Scarlett Conquering
B1 The Hissing Of Summer Lawns
B2 The Boho Dance
B3 Harry's House / Centerpiece
B4 Sweet Bird
B5 Shadows And Light

Genre : Folk-Jazz Songs
7° morceau de L'Inventaire 38 : The Jungle Line 

La dame est complexe. Un peu hippie, un peu intello, très douée et certainement pas modeste, Joni Mitchell est à coup sûr l'une des plus fortes personnalités à émerger dans le sillage de Bob Dylan, dans le courant néo-folk de la fin des années 60. 
Elle se distingue d'emblée par une écriture savante où le jazz moderne est très prégnant (en 79 elle sortira un album intitulé Mingus, en révérence à l'immense compositeur/contrebassiste), avec des orchestrations souvent très originales, à l'opposé de la simplicité qui entoure généralement ce type de musique. 
Dans cet album de 1975, face à la guitare électrique caractéristique de Larry Carlton, on voit défiler des cuivres, des synthétiseurs, la flûte de l'omniprésent Bud Shank (en 50 ans de carrière, plus de 500 participations à des albums) et quelques vieux baba-cools aux chœurs. C'est le genre d'album qui devient vite fatiguant si on ne lui consacre pas toute son attention, une œuvre riche et labyrinthique, aussi mystérieuse que cette pochette, dessinée, comme toutes les autres, par Joni Mitchell elle-même. 
Dans The Jungle Line, choisi pour finir ce mix, les percus tribales et le son de Moog basse (joué par la chanteuse ) créent un climat étrange, une espèce de transe hypnotique... Le genre de morceau qui reste incrusté à jamais dans un recoin de votre mémoire. 

WILLIE BOBO AND THE BO-GENTS Broasted Or Fried

WILLIE BOBO AND THE BO-GENTS
Do what you want to do...

Label : Sussex (Rééd: Vampi Soul)
Année : 1971
A1 Do What You Want To Do
A2 Shut Up And Pay Attention
A3 Dindi
A4 Come Together
A5 Soul Foo Yong
B1 Broasted Or Fried
B2 The Thrill Is Gone
B3 How Can I Say Goodbye?
B4 Never You Mind 

Genre : Latino-Jazz-Funk
6° morceau de L'Inventaire 38 : Broasted Or Fried

Contrairement à son professeur, Mongo Santamaria, authentique Cubain émigré aux États-Unis, récemment intronisé dans les Cercles Parfaits,  William Correa, dit Willie Bobo, est né à New York, dans le Spanish Harlem. Percussionniste passionné par la musique cubaine (outre Santamaria avec qui il fait son apprentissage, il accompagne pendant 4 ans le maître Tito Puente !), il réalise le parfait métissage entre les rythmes d'Amérique du Sud et les sonorités électriques du jazz-funk. C'est ainsi que sa discographie, étalée sur quelques vingt années rassemble des gens aussi divers que Cal Tjader, Johnny Pacheco, Sony Stitt, Chick Corea, Herbie Hancock ou Carlos Santana... 
Il n'existe qu'un album* avec sa formation The Bo-Gents, qui reflète parfaitement cette ouverture par laquelle se glisse, entre deux instrumentaux infernaux, une ballade d'Antonio Carlos Jobim, Dindi, dans laquelle le percussionniste montre aussi un joli filet de voix, idéal pour accompagner un tête-à-tête aux chandelles.
Mais comme on n'est pas là pour la bagatelle, c'est le très funky Broasted Or Fried qui a été choisi pour notre mix, un morceau signé par le pianiste de la formation, Reggie Andrews, qui tient la dragée haute à n'importe quel classique des bandes originales de la blaxploitation.

* Heureusement réédité par Vampi Soul, le label espagnol dédié au 60's et 70's.

THE CHIFFONS Stop Look And Listen

THE CHIFFONS
Everything You Wanted To Hear ...

Label : RCA
Année : 1981 (compilation)
A1 One Fine Day    
A2 Tonight I'm Gonna Dream    
A3 Out Of This World    
A4 He's So Fine    
A5 I Have A Boyfriend    
A6 Nobody Knows What's Goin' On (In My Mind But Me)    
A7 When The Boy's Happy (The Girl's Happy Too)    
A8 Tonight I Met An Angel    
B1 Sweet Talkin' Guy    
B2 A Love So Fine    
B3 Open Your Eyes    
B4 Sailor Boy    
B5 Stop Look And Listen    
B6 My Block    
B7 Oh My Lover    
B8 Just For Tonight

Genre : 60's Girls Group
5° morceau de L'Inventaire 38 : Stop Look And Listen

Des pionnières, The Shirelles, aux atypiques The Cake en passant par les reines du genre (The Supremes, The Crystals...) les "girls groups" des années 60 représentent une parenthèse dorée de la pop. Écriture soignée et luxuriante, harmonies vocales euphorisantes et production impeccable... On ne se foutait pas de la gueule du consommateur ! 
Bien sûr, les coulisses ne sont pas toujours aussi reluisantes : rivalités impitoyables, exploitation pouvant aller jusqu'à l'abus et la maltraitance par certains producteurs-pygmalions, grandeurs et décadences de jeunes femmes pressées comme des citrons avant d'être renvoyées à l'anonymat... La réalité ne ressemblait pas forcément aux pochettes rose bonbon de l'époque. 
N'empêche ! Redécouvrir aujourd'hui cette musique fait immédiatement ressurgir une époque artificiellement dorée, le meilleur côté du rêve américain. 
The Chiffons ne font pas partie de l'écurie Motown, ni des productions Phil Spector. Ça ne les empêche pas de marquer leur époque. Originaires du Bronx, elles démarrent en trio dès 1960 mais ne connaîtront leur premier succès que quatre ans plus tard après être devenue un quatuor. 
En 1966, elles tournent en Allemagne et en Angleterre où elles accueillent dans leur public les Stones et les Beatles. Ces derniers devaient être particulièrement réceptif à leur musique, en particulier George Harrisson qui, en 1970, plagiera leur tube He's So Fine pour son propre hit en hommage à Krishna :  My Sweet Lord. Le procès qui s'ensuivra conclura à un détournement inconscient de la part du guitariste-chanteur.
Leur discographie est assez synthétique : 4 albums, une quinzaine de singles simplement rassemblés dans cette compilation. Si la production s'avère très inégale, les morceaux et leur interprétation reste sans faille.  Le Stop Look And Listen choisi pour ce mix ressemble beaucoup aux tubes des Supremes, mais il sera là aussi difficile de savoir qui a copié qui, les Chiffons ayant démarré un an avant le groupe de Diana Ross...




FRIJID PINK Drivin' Blues

FRIJID PINK

Label : Parrot (Deram)
Année : 1970
A1 God Gave Me You    
A2 Crying Shame    
A3 I'm On My Way    
A4 Drivin' Blues    
A5 Tell Me Why    
B1 End Of The Line    
B2 House Of The Rising    
B3 I Want To Be Your Lover    
B4 Boozin' Blues


Genre : Heavy Blues Rock
4° morceau de L'Inventaire 38 : Drivin' Blues

Mais qu'est-ce qu'il y a dans l'eau de Détroit ? De l'acide peut-être. 
Dans la foulée du MC5 et des Stooges, ce groupe de blues-rock balance en 1970 un premier album dont le son semble passé au papier de verre, bourré de guitare fuzz, qui n'est pas sans rappeler Ten Years After, la virtuosité du guitariste en moins, compensée par une certaine sauvagerie dans les attaques de guitare, les lignes de basses lourdes et le jeu sur les toms du batteur Richard Stevers
Le succès arrive avec leur reprise d'House Of The Rising Sun, sorti en single, et seule reprise de ce premier album qui se vendra à un million d'exemplaire. Pour la petite histoire, Frijid Pink en pleine gloire accueille alors en première partie un groupe de blues rock débutant, du nom de Led Zeppelin...
La production est signée Mike Valvano, qui cosigne également deux morceaux. Un homme plein de talents, l'un des rares blancs signé par le label Motown qui ne gardera pas son groupe, mais l'emploiera comme chauffeur, préparateur des disques destinés au comité d'écoute, mais aussi auteur maison sur un ou deux tubes, producteur et, à l'occasion, pour taper dans ses mains ou agiter le tambourin lors de sessions d'enregistrements. Durant une période de chômage technique chez Motown, il à l'occasion de produire ce jeune groupe de blues rock, mais a du mal à se faire payer, malgré leur succès.
Ce sera ainsi sa seule collaboration avec Frijid Pink, dont la carrière s'éteindra en 74 avec leur quatrième album, le mal nommé All Pink Inside, dans lequel ne figurait plus aucun membre d'origine...

LOBE LOBE EMILE Ni Ndedi

LOBE LOBE EMILE
La Sharka & Le Makossa

Label : Edition Decko
Année : 198?
A1 Ni Ndedi (Sharka)
A2 Mut'Affaires (Sharka)
A3 Yoma Ndut'a Longe (Sharka)
B1 We Nde Na Ngea (Makossa)
B2 Ebola Mba Mba (Sharka) 


Genre : Groove camerounais
3° morceau de L'Inventaire 38 : Ni Ndedi

En voilà un que même internet ne connaît pas ! 
Tout juste référencé sur le-site-qui-sait-tout-Discogs, sorti sur un label qui ne compte lui-même qu'une poignée de références, Lobe Lobe Emile ne semble pas faire partie des repêchés de la grande vague de rééditions de musiques africaines qui agite en ce moment quelques labels bien avisés. Peut-être parce qu'il est dans la mauvaise tranche, celle des années 80 qui n'a pas (encore) autant la côte que les productions de la décennie précédente. Peut-être parce qu'il est originaire du Cameroun*, pays qui excite un peu moins les dénicheurs que le Nigeria ou le Mali. 
Guère plus d'info sur la "Sharka", genre musical adopté majoritairement sur cet album (4 morceaux sur 5) qu'on tentera d'identifier par son rythme au croisement du funk, du calypso et du zouk, à défaut de comprendre de quoi parlent exactement les paroles. Le terme "sharka" est d'ailleurs généralement plutôt attribué à un virus... C'est  d'autant plus curieux que le dernier morceaux de l'album s'intitule Ebola Mba Mba (il semblerait qu'avant d'être aussi le nom d'un virus, Ebola fut celui d'un village du Congo belge...)
Bref, ce disque ramassé au hasard des puces garde tout son mystère, malgré la présence en ouverture de face B d'un morceau de Makossa, genre rendu légèrement plus familier par le tube de Manu Di Bango, mais qui ici ne se distingue pas franchement des quatre autres : ligne de basse irrésistible et rythme soutenu pour porter la voix fraîche d’Émile, véritable ambianceur de dance floor malgré son anonymat total. 
Et puis cette belle dédicace au verso de la pochette : "La réalisation de cet album m'acclimate une allusion à mon cher frère Abu Bass qui s'est éloigné de moi."


*En tous cas son label, situé à l'époque à Yaoundé

CLINIC Misty

CLINIC 
Free Reign

Label : Domino
Année : 2012
A1 Misty    
A2 See Saw    
A3 Seamless Boogie Woogie, BBC2 10pm (Rpt)    
A4 Cosmic Radiation    
A5 Miss You    
B6 For The Season    
B7 King Kong    
B8 You    
B9 Sun And The Moon 


Genre : Schizoïd Pop
2° morceau de L'Inventaire 38 : Misty

Clinic est un groupe mystérieux. Apparu à la fin des années 90 avec d'emblée une identité et un son immédiatement identifiables, ils ont depuis produits sept albums et une bonne vingtaine de singles sans affoler outre mesure les médias dominants. Pourtant, ils furent repérés d'emblée par le grand gourou de la BBC John Peel et un morceau de leur premier album (l'impeccable Internal Wrangler) servira pour une pub Levi's.  Mais Clinic est radical. Morceaux plutôt courts, rythmique minimaliste et électronique, synthé oppressant, chant androgyne et souvent monotone : rarement groupe aura aussi bien porté son nom. 
Malgré ce parti pris d'apparente austérité, l'univers de Clinic est intriguant, attractif, limite fascinant. Le quatuor arrive sur scène en tenue complète d'infirmier, masque compris, ce qui ne les empêche ni de chanter, ni de souffler éventuellement dans un instrument (voir photo ci-dessous). En fait, il y a de l'humour et une certaine sauvagerie rock'n'roll chez ce groupe. Il y a aussi tout un tas de références souterraines, aux sources de l'électro bien sûr (Kraftwerk en tête) mais aussi au rock garage, à la surf music, à la science-fiction et au fantastique, voire à une certaine forme de glamour, bien cachée derrière les masques hygiéniques. Bref, Clinic est une expérience à vivre, aussi bien sur disque que sur scène.
Bizarrement, après avoir sorti ce Free Reign en 2012, il proposent un remake, une version alternative en 2013 : Free Reign II avec les mêmes morceaux dans le désordre et dans des versions différentes. Depuis, c'est le silence, un peu inquiétant...
  



GLENN BRANCA Augustus

THE BELLY OF AN ARCHITECT
Original Soundtrack

Label : Les Disques du Crépuscule
Année : 1987
A1 Glenn Branca : Augustus
A2 Wim Mertens : Birds For The Mind (The Victor Emanuel)
A3 Wim Mertens : The Aural Trick (Foro Italico)
A4 Wim Mertens : Struggle For Pleasure (Stourley Kracklite)
A5 Wim Mertens : 4 Mains (Etienne-Louis Boullee)
A6 Wim Mertens : Close Cover (The Villa Adriana)
B1 Wim Mertens : Time Passing (The Pantheon Meal)
B2 Wim Mertens :Tourtour (The Roman Forum)
B3 Wim Mertens : And With Them (Caspasian)
B4 Glenn Branca : Andrea Doria/Galba/Caracalla/Hadrian
B5 Glenn Branca :Augustus

Genre : Musique de film
1° morceau de L'Inventaire n°38 : Augustus


Le film est fascinant, la b.o. l'est tout autant. L'artiste pluridisciplinaire Peter Greenaway s'est emparé du cinéma pour concevoir des films-labyrinthes, pleins de pièges, de trompe-l’œil et de faux semblants. Le Ventre de l'Architecte conte la descente aux enfers d'un architecte américain à Rome qui voit peu à peu son talent, sa femme, sa vie, phagocytés par un concurrent. Le cinéma est, par essence, à la croisée de divers arts, mais avec Greenaway, il s'agit bien de construire un film par conjugaison, de bâtir un jeu de miroir entre la peinture, l'architecture, la photographie et bien sûr la musique pour aboutir à de drôles d'objets, parfois un peu trop conceptuels, un peu trop cérébraux. Mais aussi parfois bouleversants, notamment dans la premières partie de sa carrière. 
Le Ventre de l'Architecte est dans le haut du panier, et sa musique, signée pour l'essentiel Wim Mertens, joue sur des motifs répétitifs, des riffs de pianos presque hypnotiques d'où se dégage une curieuse mélancolie. Le tout est complété par deux thèmes de Glenn Branca, autre musicien contemporain difficile à classer par son mélange d'instrumentation classique, électrique et électronique, et ses harmonies aux frontières de la dissonances. 
Bel exemple : Augustus, qui ouvre ce mix, résume en une minute trente-six la descente aux enfers de l'architecte. Le thème peut aussi servir à illustrer n'importe quelle crise d'angoisse...