vendredi 24 avril 2015

Inventaire 33 - Candyman



LIZZY MERCIER DESCLOUX No Golden Throat

LIZZY MERCIER DESCLOUX
Press Color

Label : ZE Records/Island
Année : 1979
A1 Fire
A2 Torso Corso
A3 Mission Impossible
A4 No Golden Throat
B1 Jim On The Move
B2 Wawa
B3 Tumour
B4 Aya Mood 3.5


Genre : Cosmopolitan New Wave
7° morceau de L'Inventaire 33 : No Golden Throat

Artiste hors-norme et sans œillères, disparue avant ses 50 ans, Martine-Elizabeth Mercier, dite Lizzy Mercier Descloux, n'a toujours pas la reconnaissance qu'elle mérite. Tout au plus se souvient-on d'un unique tube, son fameux Mais où sont passées les gazelles ? enregistré sous haute influence Sud-Africaine à une époque où on ne dégainait pas encore les termes de "world music" à longueur d'articles. 
En fait, la carrière musicale de LMD est déterminée par sa rencontre amoureuse avec Michel Esteban qui tient dans les années 70 la mythique boutique Harri Cover, un loft dédié à la culture rock et underground où l'on peut trouver des disques en import, des revues et des bouquins spécialisés, situé en face de chez elle, rue des Halles à Paris. 
Le couple s'évadera pour New-York en pleine éclosion du punk américain et fera ses premières armes musicales sous influence de leur colocataire Patti Smith. Michel Esteban joue de la guitare, Lizzy joue de la basse et chante, pas très juste, mais avec un mélange d'énergie et de suavité qui sera sa marque de fabrique lors de tous ses enregistrements. 
Dans ce premier album, elle n'a pas encore parcouru l'Afrique. Si la culture zoulou ne s'entend pas encore dans les compositions, la playlist est déjà très ouverte, très éclatée, avec une grande liberté d'écriture et des reprises allant du fou furieux Arthur Brown au génie des B.O. Lalo Schifrin. Mais surtout, Press Color réussit une synthèse de New Wave et de Funk qui évoque parfois les Talkingheads sans vraiment leur ressembler. 
Définitivement inclassable et sans équivalent, cet album sonne de son époque mais sa fraîcheur reste pourtant intacte... Le mystère Mercier Descloux.

THE STRYPES What A Shame

THE STRYPES 
Snapshot

Label : Virgin
Année : 2013
A1 Mystery Man
A2 Blue Collar Jane
A3 I'm A Hog For You Baby
A4 What The People Don't See
A5 She's So Fine
A6 I Can Tell
A7 Angel Eyes
B1 Perfect Storm
B2 You Can't Judge A Book By The Cover
B3 What A Shame
B4 Hometown Girl
B5 Heart Of The City
B6 Rollin' And Tumblin'

Genre : Basic rock'n'roll
6° morceau de L'Inventaire 33 : What A Shame

Le genre de groupe difficile à défendre : quatre Irlandais même pas sortis de l'adolescence qui jouent la musique de leur (arrière ?) grand-père. Ce premier album des Strypes ressemble aux premiers Stones, aux Yardbirds période Clapton, à ce qu'on appelait le "british blues boom" dans les sixties naissantes : de jeunes blancs-becs anglais, fascinés par les racines noires-américaines du rock'n'roll, reprenaient à leur sauce des morceaux de blues et rhythm'n'blues plus ou moins obscurs qu'ils avaient découverts en import chez les meilleurs disquaires londoniens. 
Et alors quoi ? 
Il ne s'est rien passé depuis ? 
Cinquante années d'évolution musicale balayées en une poignée de singles de deux ou trois minutes, exécutés avec l’élémentaire formule guitare-basse-batterie, agrémentés ici et là d'un harmonica et d'un piano tout aussi basiques... Donc ces quatre garçons dans le vent, même pas majeurs au moment de pondre leur premier LP, habillés comme les BB Brunes, seraient l'incarnation d'un rock éculé et sans la moindre surprise. Treize morceaux dont cinq reprises avec notamment la 50000ème version du standard de Willie Dixon : You Can't Judge A Book By The Cover. Et les compos sont à l'avenant : Josh McClorey, compositeur, leader et guitariste acéré du groupe, possède l'art du riff qui tue et sait construire couplets et refrains dans la respect des traditions. Mais jamais rien de neuf ne sort de sa guitare...
Tout cela est vrai, mais The Strypes possèdent un atout qui annihile leur manque d'originalité et l'aspect régressif de leur succès : leur infaillible énergie. Un truc viscéral qui s'entend dès la première écoute et donne envie d'y revenir plus souvent qu'on aurait cru.
Le rock'n'roll est peut-être mort depuis longtemps, mais il danse encore.





TERRY CALLIER You Goin' Miss Your Candyman

TERRY CALLIER
What color is love

Label : Cadet
Année : 1972
A1 Dancing Girl
A2 What Color Is Love
A3 You Goin' Miss Your Candyman
B1 Just As Long As We're In Love   
B2 Ho Tsing Mee (A Song Of The Sun)   
B3 I'd Rather Be With You
B4 You Don't Care

Genre : Soul'n'funk'n'folk
5°morceau de L'Inventaire 33 : You Goin' Miss Your Candyman

Même avec sa pochette abimée et ses craquements récurrents, on est content d'avoir dégotté enfin What color is love, près de 20 ans après l'avoir découvert et 43 ans après sa sortie. Deuxième album de Terry Callier, quatre ans après son premier manifeste "folk/soul" où brillait déjà un art du songwriting très abouti, Terry Callier s'enrichit ici d'une orchestration plus ample et injecte un peu de funk à ses ballades sentimentales. A l'aube de ces années 70 prometteuses mais chaotiques, il contribue ainsi, avec Curtis Mayfield, Bill Withers et Gil Scott-Heron à émanciper la musique noire de ses contraintes commerciales, à faire sauter les  barrières de genre, à individualiser le style et le propos. 
Parfois à la limite du hippie ramolli (You don't care, qui clôt l'album, avec ses chœurs sirupeux) mais toujours original et inspiré, Terry Callier restera fidèle au folk de ses origines, ignorant superbement la tempête disco alors que les années 80 se profilent. Il aura du coup moins de succès que ses contemporains et finira par abandonner la musique pour une carrière d'informaticien. 
Heureusement, relancé au tournant des années 90 par quelques collaborations avec les nouvelles têtes de l'acid jazz et du trip-hop (Urban Species, Massive Attack...), il produira encore quelques magnifiques albums (Lifetime, Speak Your Peace) quasiment jusqu'à sa mort, survenue en 2012.

JACK COSTANZA & GERRIE WOO Don't Squeeze The Peaches

JACK COSTANZA & GERRIE WOO
Latin Percussion With Soul

Label : Vampisoul (Tico)
Année : 1968
A1 Recuerdos
A2 Hey Boy (Hey Girl)
A3 Green Onions
A4 Words
A5 Mambo Jack
B1 Que Vengo Acabando
B2 Some Kind-A Wonderful
B3 Mantequilla
B4 Don't Squeeze The Peaches
B5 Jive Samba

Genre : Latin percussion with soul
4° morceau de L'Inventaire 33 : Don't squeeze the peaches

En cette année 2015, Jack Costanza, alias Mr. Bongo a 96 ans, ou 93 ans, ça dépend des sources. Il a joué avec Sinatra, Nat King Cole, les grands orchestres de Perez Prado, Xavier Cugat, Billy May... Pendant un temps, il sera au cœur d'une formation de studio, les Surfmen qui, contrairement à ce que leur nom pourrait faire croire, donnaient plutôt dans l'exotisme "lounge" à la Arthur Lyman, de la musique de sieste qu'on aime plutôt bien par ici. Bref, le type a largement contribué à populariser les congas dans le jazz, le rock et la pop musique.
Un jour il rencontre Gerrie Woo, une jeune Californienne dont le nom, la peau mate et les yeux en amande trahissent des origines métissées qui feront des ravages dès son adolescence. D'abord modèle pour un célèbre photographe bellâtre des années 50, Peter Gowland, elle fera partie du bataillon des premières "bunnies" du magazine Playboy, avant de s'émanciper par le chant. 
C'est ainsi qu'elle devient la voix principale du groupe de Jack Constanza, avec qui elle écumera les palaces d'Hollywood, les casinos de Vegas, mais aussi les scènes improvisées pour remonter le moral des troupes au Vietnam. Leur répertoire est un habile mélange de standards cubains et de reprises rock et rhythm'n'blues arrangées à la sauce latino.  Leur alliance durera 25 ans !
Sur cet album, réédité par l'excellent label espagnol Vampisoul, une version chaloupée du Green Onions de Booker T & The M.G.s, une drôle de reprise de Words des Bee Gees, mais aussi l'irrésistible Don't Squeeze The Peaches, qui a certainement dû passer à La Voile Bleue, à Sète, entre 1999 et 2014, quand monsieur R.K.K. animait les siestes ou les afters de Fiest'A Sète...

CRIME & THE CITY SOLUTION The Dolphins And The Sharks

CRIME AND THE CITY SOLUTION
Paradise Discotheque

Label : Mute (Virgin)
Année : 1990
A1 I Have The Gun    
A2 The Sly Persuaders    
A3 The Dolphins And The Sharks    
A4 The Sun Before The Darkness    
B1 Motherles Child    
B2 The Last Dictator I    
B3 The Last Dictator II    
B4 The Last Dictator III    
B5 The Last Dictator IV
Genre : Post punk des antipodes

3° morceau de L'Inventaire 33 : The Dolphins And The Sharks

En 1987, dans Les Ailes du désir, le réalisateur Wim Wenders permettait à une bonne partie d'entre nous de découvrir deux phénomènes australiens. Nick Cave, échappé depuis deux ans de Birthday Party avec déjà quatre albums à la tête de ses Bad Seeds, et un groupe plus obscur encore, capturé live à  Berlin pour la fin du film : Crime & The City Solution
Le groupe a connu diverses formations dans sa carrière qui va de 1977 à 1990, à laquelle il faut ajouter un réveil tardif pour un album sorti en 2013. Formé en pleine période punk par Simon Bonney qui compose et chante, Crime & The City Solution ne sort son premier EP qu'en 1985, après avoir changé deux fois de personnel et que son leader ait décidé de quitter l'Australie pour redémarrer à Berlin. On voit défiler en son sein les guitaristes Mick Harvey et Roland S. Howard, qui jouent également avec Nick Cave, mais aussi le batteur "Epic Soundtracks" qui, avec son frère Nicky Sudden, a fait les beaux jours du punk anglais le plus pointu au sein du groupe Swell Maps
Bref, Crime... est une formule instable à la discographie sporadique, mais sa réputation de fascinante expérience live restera intacte tout au long de ce parcours. Contrairement à Nick Cave, ils resteront cependant toujours un peu dans l'ombre. 
Ça n'empêche pas le talent : ce dernier album avant un long silence, pas évident au premier abord, mérite une écoute attentive et répétée. C'est le contraire d'un coup de foudre, mais sa séduction lente finit par opérer, chanson après chanson. Ainsi, le selecter, ayant choisi The Sun Before Darkness pour son mix, changera d'avis au dernier moment, piqué au vif par l'intro de The Dolphins And The Sharks...

BASEHEAD 2000 B.C.

dcBASEHEAD
Play With Toys

Label : Imago
Année : 1991
A1 Intro
A2 2000 B.C.
A3 Brand New Day
A4 Not Over You
A5 Better Days
A6 Ode To My Favorite Beer

B1 Hair
B2 Evening News
B3 I Try
B4 Play With Toys
B5 Outro

Genre : Lazy Rap
2° morceau de L'Inventaire 33 : 2000 B.C.

Trop soft pour les gangstas, trop basique pour les amateurs d'Arrested Development et autres A Tribe Called Quest, Michael Ivey et sa bande débarquent pépères au début des années 90 avec ce curieux LP, aussi fumeux que malin, qui s'ouvre et se clôt par un morceau de country "redneck", exécuté soit-disant par Jethro and the Grahamcrackers, en réalité les Basehead eux-mêmes. 
Tout est là : ils ont beau afficher une attitude de glandeurs invétérés, couper leur morceau de hip-hop par des apartés embrumés (qui rappellent un peu les dialogues d'un réalisateur qui démarrait à la même époque, Quentin Tarantino), leur simplicité n'est que feinte et cache une réelle finesse d'écriture qui a le mérite de ne ressembler à aucun des styles en vogue à l'époque. Michael Ivey joue les crétins tout en s'attaquant à la bêtise avec un humour potache. Il célèbre la bière, le sexe, la fumette et autres plaisirs même pas coupables et développe avec son "groupe" (un collègue au scratch, parfois un batteur, parfois un bassiste) un beat un peu funky, un peu moelleux, en tous cas personnel. 
Cette histoire tiendra à peine trois albums : celui-ci, suivi en 1992 par Not in Kansas Anymore et son fameux Do you wanna fuck (or what) ?, et quatre ans plus tard un Faith que personne n'a jamais entendu. En réécoutant cet unique "tube alternatif", 2000 B.C., on est en droit d'avoir quelques regrets...
Question subsidiaire : à l'époque, les Inrocks et leurs lecteurs les appelaient "dcBasehead". Mais ils sont aujourd'hui référencés un peu partout en tant que "Basehead". 
Où et quand a disparu le "dc" ?
   

SMALL FACES Own Up

SMALL FACES
(Compilation)
Label : Disc'Az
Année : 1971
A1 Hey Girl
A2 What's The Matter Baby
A3 Come Back And Take This Hurt Off Me
A4 You Better Believe It
A5 Shake
A6 Own Up
B1 My Way Of Giving
B2 Whatcha Gonna Do About It
B3 Baby Don't Do It
B4 Do You See Me
B5 Come On Children 

Genre : They are the Mods
1° morceau de L'Inventaire 33 : Own Up

L'instrumental figure sur le premier album éponyme des Small Faces, sorti en 1966. Il est sauvage, au bord de la saturation, proche du son des Sonics et autres figures émergentes de ce qu'on appellerait très vite le "Garage". 
Mais les Small Faces, sous haute influence soul et rhythm'n'blues, ont toujours une touche de groove supplémentaire, en grande partie due au jeu d'orgue de Jimmy Winston. Et puis, là où leurs camarades de la même époque sont rivés sur le blues ou la surf music, les Small Faces se démarquent ici par un thème puissant et épuré qui annonce bien les instrumentaux que le punk-rock produira une décennie plus tard. 
Bref, cessons-là les cours d'histoire, les Small Faces, incarnation emblématique du mouvement "mod" en Angleterre étaient bien plus qu'un groupe de blancs anglais tentant de copier la musique vénérée des noirs américains. Une déferlante de singles irrésistibles, compositions ou reprises à leur sauce, alimentent cette première période, avant qu'ils s'envolent vers un psychédélisme un chouïa moins convaincant, puis remplacent leur ébouriffant chanteur/guitariste Steve Marriott par l'ébouriffé Rod Stewart, un chouïa moins convaincant. Cette compilation, sortie en France en 71 sur un label bon marché, se concentre heureusement sur la période dorée...

Pour les amoureux de la période, il est bon d'aller jeter un œil à l'ouvrage  de Nicolas Ungemuth, Garageland, forcément incomplet et partial, mais dont le format carré, le principe (80 doubles pages avec, à gauche, l'histoire du groupe et à droite la reproduction pleine page d'une pochette d'époque) et le ton, aussi péremptoire que passionné, donnent envie de découvrir tous les groupes évoqués... même ceux qu'on connaît déjà !