dimanche 9 février 2014

Inventaire 22 - Jungle Mating Call



SLINT Don, Aman

SLINT
Spiderland

Label : Touch & Go
Année : 1991
A1 Breadcrumb Trail
A2 Nosferatu Man    
A3 Don, Aman    
B1 Washer    
B2 For Dinner...    
B3 Good Morning, Captain


Genre : Fin du monde
7° morceau de L'inventaire 22 : Don, Aman

Il y a les albums célèbres qui ont officiellement changé la face du rock (le premier 25 cm de Presley, Sergeant Peppers, What's Going On, London Calling, Fear of a Black Planet, et quelques dizaines d'autres) et puis il y a les séismes souterrains. Des disques qui n'ont eu, au mieux, qu'un succès d'estime, qui peuvent rester confidentiels très longtemps, mais dont l'influence s'avère au final tout aussi capitale que les classiques reconnus. Inutile de les lister ici : on préfère les diffuser dans les mix. 
Slint est un quatuor du Kentucky qui a tenu cinq ans à peine, publié deux courts albums, et ouvert une nouvelle ère sonique que les journalistes ont essayé en vain de résumer par un nom (Post-rock, No-rock, Math-rock...). 
En France, nous sommes nombreux à avoir découvert Slint à travers la bande son du premier film de Larry Clark, Kids, pour lequel Lou Barlow, non content de placer le meilleur de son inspiration (avec ses groupes Sebadoh, Folk Implosion et Deluxx Folk Implosion...) avait eu la bonne idée de glisser deux titres du génie perturbé Daniel Johnston, mais aussi une bombe à retardement signée Slint : Good Morning Captain
En découvrant le reste de l'album Spiderland, on prend conscience que tout est de cette veine : très épuré, hyper-sensible, d'une puissance dévastatrice. Comme le faussement calme Don, Aman, qui figure dans notre inventaire numéro 22
Cette musique-là peut vous rendre fou si vous la laisser s'infiltrer en vous.  

XTC Strange Tales, Strange Tails

XTC
5 Senses (EP)

Label : Virgin
Année : 1981
A1 Smokeless Zone
A2 Officer Blue
A3 Wait Till Your Boat Goes Down
B1 Don't Lose Your Temper
B2 Strange Tales, Strange Tails


Genre : Schizo Pop
6° morceau de L'inventaire 22 : Strange Tales, Strange Tails


L'histoire et la discographie du groupe XTC baignent dans la confusion la plus totale. Deux albums bien barrés produits par John Leckie sans le moindre succès, suivi d'un tube énorme sur leur troisième tentative en 79 (Making Plans For Nigel qu'on retrouve bizarrement sur toutes les compils des années 80...) et puis quelques embrouilles au sein du groupe et avec leur maison de disque Virgin, un superbe double album, English Settlement en 82 (mais qu'on trouve bien souvent hélas en version simple, amputé de la moitié des chansons...) et, dans la foulée, ce terrible concert au Palace à Paris, au début duquel Andy Partridge, leader du groupe, subit une attaque de panique qui lui fait quitter définitivement la scène. 
Malgré ce handicap, l'histoire du groupe est loin d'être finie, mais c'est de cette première période que date 5 Senses, un mini-album 5 titres paru entre Black Sea et English Settlement (et pas facile à dénicher) dont nous avons tiré Strange Tales, Strange tails
On y retrouve cette écriture à la fois très élaborée mais tranchante et efficace qui faisait du groupe une alternative pleine de surprise à l'envahissante usine à tubes qu'était The Police. Au final, l'univers confus d'Andy Partridge et de l'indéfectible bassiste Colin Moudling (c'est quand-même lui qui a écrit LE tube) a maintenu XTC dans un monde parallèle qu'il est bon d'aller explorer de temps en temps.  

HODGES, JAMES AND SMITH Turn The People On

HODGES, JAMES AND SMITH
Incredible

Label : 20th Century Records
Année : 1973
A1 Turn The People On
A2 I Should Stay
A3 Signal Yout Intention
A4 Medley: Rock Me Baby / Steamroller
A5 Oh
B1 Little By Little (Bit By Bit)
B2 If You Wanna Love Me
B3 Can't Be Alone
B4 You Take My Love For Granted
B5 Love Was Just A Word

Genre : Groovy Soul
5° morceau de L'inventaire 22 : Turn The People On

William Stevenson a écrit Dancing In The Streets. Entre autres... Compositeur, arrangeur, producteur pour la Motown, il produit un maximum de singles (dont quelques standards) au cours des années 60, puis va voir si l'herbe est plus verte ailleurs. 
Au début des années 70, il recrute quatre chanteuses dans le but de faire concurrence aux Supremes et les fait signer chez 20th Century Records sous le nom de famille des demoiselles : Hodges, James, SMith & Crawford. Après trois singles passés inaperçus, le quartet devient un trio : Hodges, James and Smith. Malgré ce nom passe-partout, elles sortiront quatre albums pas trop mal accueillis, démarrant par un mélange de soul et funk plutôt bien senti pour finir tristement dans un disco vaguement jazzy et peu inspiré en 1978.
Ce premier album, Incredible, est en tous cas d'excellente facture, bien produit et finalement plus intéressant que ce que s'échinaient à sortir des Supremes en bout de course à la même époque. Enregistré dans les studios de la Paramount avec une brochette de requins aux instruments, il est par la force des choses devenu une pièce rare de la soul avec un ou deux écarts "rare groove" : 20th Century Records a vendu son catalogue en 81 et Incredible n'a jamais été réédité...     

THE STILLS YOUNG BAND Make Love To You

THE STILLS YOUNG BAND
Long May You Run

Label ; Reprise Records
Année : 1976
A1 Long May You Run
A2 Make Love To You
A3 Midnight On The Bay
A4 Black Coral
A5 Ocean Girl
B1 Let It Shine
B2 12/8 Blues (All The Same)
B3 Fontainebleau
B4 Guardian Angel
B8 On Coming From A Broken Home (Part 2) 

Genre : Amérique profonde
4° morceau de L'inventaire 22 : Make Love To You

Après Buffalo Springfield, après Crosby,Stills & Nash & Young et entre deux albums solo chacun de leur côté, les deux compositeurs/chanteurs/guitaristes tentent une dernière formule qui tiendra à peine le temps d'un album. Mais quel album ! Chacun chante ses compositions en respectant une alternance quasi métronomique, accompagné par un groupe solide où se distingue l'orgue de Joe Vitale qui avait déjà sévi occasionnellement dans Buffalo Springfield. Neil Young fait du Neil Young à son meilleur et Stephen Stills oscille entre folk et atmosphères plus électriques, voire jazzy comme sur cet hypnotique Make Love To You
En fait, on s'en doutait depuis la ballade 4 +20 qui figure sur Déjà Vu, (premier album de Crosby, Stills & Nash & Young qui finira bien par se retrouver dans un Inventaire un de ces quatre) mais cet album enfonce le clou : Stephen Stills est bien le plus sous-estimé de la bande. Cette écriture qui sent les racines tout en restant très élégante appelle une sérieuse exploration de sa discographie. En attendant, concentrons-nous sur ce Long May You Run, album impeccable qu'il est hélas un peu difficile de se procurer, le vinyle n'ayant jamais connu de réédition depuis 1976, ni le CD depuis 1993.
Si votre ordinateur est connecté à de bonnes enceintes, vous pouvez toujours aller l'écouter .

BIG STAR O My Soul

BIG STAR
Radio City
Label : Ardent Records 
Année : 1974
A1 O My Soul
A2 Life Is White
A3 Way Out West
A4 What's Goin' Ahn
A5 You Get What You Deserve
B1 Mod Lang
B2 Back Of A Car
B3 Daisy Glaze
B4 She's A Mover
B5 September Gurls
B6 Morpha Too
B7 I'm In Love With A Girl
B7 I've Been Me (Interlude)
B8 On Coming From A Broken Home (Part 2)

Genre : Sparkling Pop
3° morceau de L'inventaire 22 : O My Soul

Ils auraient dû être énormes. Alex Chilton avait connu un succès aussi éphémère que massif dans les années 60 au sein des Box Tops avec le tube The Letter, il attaque les années 70 avec un nouveau groupe, un nouveau son, et la complicité de Chris Bell, originaire comme lui de Memphis (mais qu'est-ce qu'il y a dans l'eau de cette ville ?). Les deux comparses partagent un goût prononcé pour la pop anglaise sixties et un talent d'écriture dont le monde mettra un moment à prendre conscience. Si les vocaux rappellent parfois les envolées de Lennon, c'est plutôt du côté des Who que se situe l'énergie du groupe, emblématique de ce qu'on n'appelle pas encore la "power pop". Big Star est électrique et lumineux, à l'image du néon qui écrit leur nom sur la pochette du premier album ou de l'ampoule choisie pour le second*. 
Entre les deux LP, les choses commencent déjà à mal tourner : le public ne répond pas et Chris Bell lâche l'affaire, submergé par une vague de mysticisme qui n'affaiblit pas son talent (au contraire : la compilation I Am The Cosmos sortie chez Rykodisc en témoigne) mais le ramène dans le giron familial, à Memphis, où il perdra la vie quelques années plus tard dans un accident de voiture. Sur Radio City, Alex Chilton co-écrit donc la plupart des morceaux avec le bassiste Andy Hummel et réussit, malgré l'absence sensible de Chris Bell, une jolie collection de titres, entre une pop étincelante qui fait sauter au plafond et quelques ballades acoustiques qui rendent amoureux. 
Rien n'y fait cependant : le public s'en fout. Chilton dissout le groupe après un troisième album qu'il refuse de sortir (il paraîtra en 78, puis connaîtra une édition définitive et remaniée en 1991) et devient un héros de l'underground.Bien sûr, après coup, un tas de groupes revendique leur influence. Les Bangles reprennent leur September Gurls, le Teenage Fanclub leur pique tout ce qu'ils peuvent, et une reprise d'In the Street devient un succès planétaire après avoir été choisie pour le générique de la série That 70's Show. Chilton recrute alors les Posies pour faire tourner pendant quelques dates une nouvelle mouture honorable de Big Star
Mais en 2010 disparaissent coup sur coup Andy Hummel et Alex Chilton
Ils auraient dû être énorme, ils sont devenus cultes. Ça leur fait une belle jambe... 

* Photo curieusement renvoyée au verso de la pochette sur l'édition européenne de l'album reproduite en tête d'article.


GIL SCOTT-HERON Me And The Devil

GIL SCOTT-HERON
I'm New Here

Label : XL Recordings
Année : 2010
A1 On Coming From A Broken Home (Part 1)    
A2 Me And The Devil
A3 I'm New Here
A4 Your Soul And Mine
A5 Parents (Interlude)
A6 I'll Take Care Of You
A7 Being Blessed (Interlude)
B1 Where Did The Night Go
B2 I Was Guided (Interlude)    
B3 New York Is Killing Me
B4 Certain Things (Interlude)    
B5 Running
B6 The Crutch
B7 I've Been Me (Interlude)
B8 On Coming From A Broken Home (Part 2)

Genre : Deep Soul
2° morceau de L'inventaire 22 : Me And The Devil

Tandis que musiciens et critiques de tous bords reconnaissaient son influence et célébraient son talent, Gil Scott-Heron traversait l'enfer. Rattrapé par tous les démons qu'il avait affronté dans ses chansons (notamment drogue et violence qu'il donnait pourtant l'impression d'avoir tenu à distance), le musicien passera une partie des années 90 dans une précarité insoupçonnée et le début des années 2000 en prison. Triste ironie du sort pour un homme particulièrement vigilant à éviter les clichés et pièges faciles qui encerclent le monde de la musique, quitte à affronter directement les rappeurs complaisants qui revendiquent pourtant son héritage (Message to the messengers en 1993).
Un peu tardivement, pour ne pas dire in extremis, l'exigeant Richard Russell, qui a montré depuis longtemps que l'électro menait à tout (son label XL est né avec la house music, a explosé avec Prodigy et accueille depuis Sigur Ros, Vampire Weekend, Adele, The White Stripes, Atoms For Peace...) est allé lui proposer d'enregistrer un album. 
Oscillant entre la déclamation brute et une production très sophistiquée, mêlant compositions personnelles et reprises inspirées, I'm New Here doit sa cohérence avant tout à la voix de Gil Scott-Héron, d'autant plus intense qu'elle est prise au plus près du micro, mixée en avant et sans effets parasites. Il n'y a pas grand monde qui peut moderniser un blues primitif de Robert Johnson tout en gardant l'esprit et l'authenticité de l'original, sinon celui qui sait exactement ce qui se cache derrière une chanson comme Me And The Devil...

I'm New Here n'inspire que deux regrets : il est court, et s'est confirmé l'année d'après comme appartenant à l'ignoble catégorie des "albums testaments".

CHAINO Jungle Mating Call

CHAINO
Jungle Mating Rhythms

Label : Verve - Année : 195?
A1 Jungle Mating Call    
A2 Voodoo Love    
A3 Voodoo Trinidad    
A4 Lost Canyon    
A5 Love Chant Of The Mau Mau    
A6 Seduction Of The Virgin    
B1 Watussi    
B2 Rico Tico De Dongo    
B3 Mad Bongos    
B4 Voodoo Chant    
B5 Ora Ora A    
B6 Jungle Crazy Maze Bongo
 
Genre : Percussif
1°morceau de L'inventaire 22 : Jungle Mating Call - Dernier morceau de L'inventaire 22 : Seduction Of The Virgin

"Chaino est l'unique survivant d'une race d'indigènes de la jungle sauvage, dans une contrée éloignée d'Afrique centrale où peu d'hommes sont allés... Des tribus hostiles des alentours avaient attaqué le village et massacré ses habitants. On découvrit alors ce seul petit garçon, presque mort de faim parmi les ruines..." Ce texte édifiant figurait au verso de la pochette de l'album Jungle Echoes qui avec Chaino Africana et le Jungle Mating Rhythms ci-dessus, constitue toute la discographie répertoriée du mystérieux percussionniste. 
Aussi jolie que soit la légende, elle est entièrement bidonnée : le musicien s'appelant en réalité Leon Johnson et étant né à Philadelphie ! L'anecdote en dit long sur le goût de l'exotisme des mélomanes d'une époque où le terme absurde de world music n'existait pas, mais où les grosses compagnies éditaient calypso, chants hawaïens, arabesques et autres virtuosités vocales à la Yma Sumac avec une certaine garantie de succès. Difficile alors pour le non spécialiste de faire la part des choses entre le collectage authentique et l'exotisme de pacotille, surtout lorsque le musicien maitrise son affaire, comme c'est le cas avec Leon/Chaino. 
L'album n'est constitué que d'instrumentaux dans lequel on entend parfois un soupir, un cri, une incantation en fin ou en début de morceau. Un enregistrement rare, brut et virtuose, qui bénéficie de la caution tout-à-fait légitime du label Verve, plutôt orienté jazz. Chaino n'est certes pas africain, ça ne l'empêche pas d'être bon !